Le Rythme
C’est quoi un shuffle ? Le rythme du blues expliqué .
Le blues est souvent une des premières choses qu’un professeur de guitare propose à ses élèves débutants. Ça a été mon cas lors de mon tout premier cours. Or, cette musique est plutôt complexe sous son apparente simplicité. Easy to learn, hard to master comme disent nos amis anglo-saxons. Le blues est accessible de par sa structure : pour faire simple, on utilise 3 accords dans un ordre précis sur une durée de 12 mesures. C’est ce qui en fait une musique idéale pour les “bœufs” car tout musicien avec un peu de pratique connait les enchaînements d’accords du blues.
Ce style demande cependant un peu plus de travail concernant le ressenti, le feel. Faire “sonner” un blues demande d’en écouter beaucoup et de le pratiquer. On ne devient pas Stevie Ray Vaughan ou Joe Bonamassa en seulement quelques mois de pratique. Mais on peut se faire plaisir sur un blues dès son premier cours de guitare.
Cet article s’intéresse à l’aspect rythmique du blues. C’est sa particularité première et fondamentale. Sans avoir compris et “internalisé” le rythme du blues, pas d’improvisation crédible possible. Plus encore, pas de blues tout court, car qui ce sont ses codes rythmiques particuliers qui définissent cette musique.
Mais commençons par le début. Diviser pour mieux régner : Pour bien comprendre le rythme du blues, il faut distinguer la pulsation binaire et la pulsation ternaire. Pour la pulsation binaire, la durée entre deux battements peut être divisé en 2 parties égales (ou un multiple de 2). La pulsation ternaire est quant à elle divisible en 3 parties égales (ou un multiple de 3). Le diagramme ci-dessous illustre ce principe avec les points noirs qui symbolisent la pulsation et les points rouges les divisions :
En fait, si l’on tape le rythme d’un morceau binaire avec son pied, on pourra naturellement diviser cette pulsation en 2 ou 4 parties égales (ou plus si le tempo du morceau le permet). Ecoutez Europa de Santana ou Money For Nothing de Dire Straits par exemple. C’est le type de pulsation le plus répandu dans la musique occidentale.
La pulsation ternaire implique elle une division en 3 parties égales comme indiqué plus haut. On peut citer Hold The Line du groupe Toto (écoutez la partie clavier de l’intro), l’intro batterie sur Walking On The Moon du groupe The Police ou encore La Valse d’Amélie de Yann Tiersen. Le rythme blues, couramment appelé “shuffle”, est issu de cette pulsation ternaire. C’est en fait une division en 3 parties dont on aurait sauté le deuxième battement. On joue juste les divisions 1 et 3 en omettant la deuxième. Le 1 est joué sur le temps, le 3 juste juste avant le temps suivant, ce qui donne cet effet traînant et retardé (to shuffle pouvant se traduire par “traîner des pieds” en français).
Un peu de solfège (mais pas trop)
En notation musicale, on utilise le triolet de croches pour noter le shuffle. Cette figure de rythme est la directe application de ce qu’on a décrit plus haut : 3 notes de même durée jouées sur chaque temps. Le shuffle utilise donc ce triolet de croche en sautant la deuxième. Concrètement, cette “croche silencieuse” est marquée avec un demi-soupir, une figure de silence qui a la même durée qu’une croche.
Comme un son vaut mille images, voici 3 exemples joués à la batterie. Le premier est une pulsation binaire, le deuxième ternaire et le dernier un shuffle. La grosse caisse marque le temps et la charleston les divisions.
Dans notre exemple à la batterie, notre croche est silencieuse car la charley est jouée en position fermée. Le son est “coupé” et c’est pour cela qu’on utilise une figure de silence. A la guitare c’est un peu différent. On prolonge souvent la première croche de la durée de celle qui suit. Les deux premières croches sont donc liées. Leurs durées respectives s’additionnent. On se retrouve donc avec un premier battement long (équivalent au deux premières croches du triolet) et un battement court (la dernière du triolet). En pratique, on retrouvera un triolet noire + croche à la place de nos croches liées (une noire valant deux croches) :
Mais les musiciens sont des fainéants (ou des gens intelligents, au choix) et on retrouve très fréquemment l’abréviation ci-dessous en début de partition, au dessus de la première mesure .
Cette indication signifie simplement que toutes les croches notées dans la partition seront jouées comme des triolets noire + croche. Des croches shuffle en quelque sorte. L’intérêt est surtout de gagner en lisibilité car les crochets à répétition indiquant les triolets encombrent visuellement la portée. Les deux mesures ci dessous illustrent ce phénomène. Leur rendu sonore sera rigoureusement identique.
On parle aussi de croches “swinguées”, ce qui est une traduction du triplet feel 8th parfois accolé à l’abréviation. Ces croches bien particulières sont accentuées dans le contexte de la musique blues. La première croche du groupe est jouée plus forte que la seconde. Cela imprime la dynamique nécessaire et donne l’impression d’une machine qui avance, un peu à la manière d’une locomotive (musicale) .
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